“Oui ! Et” – Une vision écologique de la thérapie psychocorporelle

“Oui ! Et” – Une vision écologique de la thérapie psychocorporelle

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Le projet est ambitieux ! Harmoniser psyché et soma, rien de moins.

Quand on y pense ainsi, les oppositions, les conflits d’intérêts et les coupures établis depuis longtemps entre ces deux mondes que sont d’un côté le corps et de l’autre l’esprit, nous disent la difficulté, voire l’impossibilité d’une coexistence harmonieuse, d’une complémentarité agissante.
L’histoire est ancienne et sous une autre forme, nature et culture, Rousseau et Voltaire s’y sont essayés et s’opposaient déjà. Notre culture, pour réduire la nature à une condition d’objet et pouvoir ainsi l’utiliser, nous fait payer le prix d’une coupure nécessaire.
Mais avec la nécessité écologique, celle d’aujourd’hui et plus encore celle de demain, la question relative à notre façon de considérer la nature est plus que jamais à l’ordre du jour.
Allons-nous l’ignorer, la fuir et même la nier comme certains…
Allons-nous, comme d’autres, rêver à un retour en force de la nature avec la disparition de nos sociétés industrieuses….

La réponse en ce qui me concerne se résume en “Oui ! Et”
“Oui” à ce qui est, c’est-à-dire à ce monde dans lequel je vis avec tout ce qu’il comporte de misères, de souffrances, d’injustices, de cruautés, mais aussi de bon, de beau et de bien.
“Oui” à ce monde parce que j’en suis, j’en fais partie, il m’a créé et c’est en lui que je me développe et me construis.
“Oui” à ce monde parce que c’est celui du présent ici et maintenant.
“Et” pour mettre un mot qui résume l’association, l’action, celle qui ne perd pas son temps dans la plainte, le refus, le rejet de la réalité d’aujourd’hui. “Et” pour mettre un mot sur une attitude intérieure qui envisage l’avenir, se demande comment faire, est prête à continuer mais pas n’importe comment, ni à n’importe quel prix.
Le “Oui ! Et” est d’abord un état d’être, celui d’aller avec ce que la vie nous propose aujourd’hui.
Le “Oui ! mais” est tout autre, c’est un oui qui contient une réserve, un désaccord, qui contient une part de “non” qui ne dit pas toujours son nom.
Dans sa définition, la thérapie psychocorporelle telle que je la comprends est plus proche du “Oui ! Et” que du “Oui ! Mais”, plus proche aussi d’une attitude d’intégration des polarités corps-esprit et par analogie, des polarités nature-culture.

Le dernier film de James Cameron “Avatar” distribué à grande échelle, qui soit dit en passant fait faire au cinéma un pas en avant avec son image en relief, est une illustration du conflit nature-culture. Sur Pandora, le monde que le cinéaste a imaginé, les “Nav’is”, les habitants de la planète vivent dans une harmonie parfaite avec leur environnement. On retrouve-là les grands thèmes des cultures et des religions animistes, une communication directe entre tous les êtres vivants, humanoïdes, animaux et même végétaux. Dans le film, elle se matérialise à l’image des dendrites des neurones du cerveau par des filaments lumineux qui relient entre eux tous les êtres vivants.
Ce monde d’harmonie est mis à mal avec l’arrivée des êtres humains venus piller ses ressources énergétiques.
Mais heureusement grâce à un avatar, un être à la fois Nav’i et humain, le combat pour la défense de Pandora aura lieu…
Je laisse deviner la suite à ceux qui n’ont pas vu le film, surtout pour ne pas les priver du plaisir de la découvrir eux-mêmes. Ce n’est pas un grand film, c’est un film qui se regarde comme une bande dessinée.
Mais toujours est-il qu’il est dans l’air du temps et qu’il nous parle du prix trop lourd payé aujourd’hui par la nature à nos sociétés technologiques. La réponse que notre monde peut donner à cette question est encore très incertaine malgré les dangers connus que nous encourons à brève échéance. Trouverons-nous une réponse dans le sens du “Oui ! Et”, je crois que nous l’espérons tous. C’est en tout cas à mon sens, l’état d’être qui préside à la thérapie psychocorporelle.

Ce “Oui ! Et” est à la fois l’accueil et la reconnaissance de ce qui participe en moi de la nature, mon corps, et de ce qui participe en moi de la culture à laquelle ma psyché est associée. Si le principe est simple dans les mots, chacun sait pour le vivre intimement combien sa réalisation est incertaine, fragile et jamais acquise.

Cette difficulté est à mon sens à l’image de celle dont j’ai parlé précédemment à propos de notre culture, de sa coupure avec la nature et du lourd tribu qu’elle lui paie allant même parfois jusqu’à l’épuisement de ses ressources. La comparaison raisonne bien avec celle de la fatigue qui va aussi jusqu’à l’épuisement chez certains d’entre nous. Comme si pour suivre le mouvement de la culture collective, notre activité psychique en demandait toujours plus à ce qui participe en nous de la nature, notre énergie vitale.

En médecine chinoise, le fait d’amener de la conscience dans une partie de son corps, participe à un processus de guérison. Amener de la conscience dans nos sensations corporelles, c’est aussi accueillir ce qui participe en nous de la nature, notre animalité.

Mais “je ne suis pas un animal” diront certains avec horreur, prolongeant ainsi plusieurs siècles de culture où l’homme s’est placé au centre du monde, au dessus de la nature.

Reconnaître sa part animale, celle qui nous fait trembler, frissonner, éternuer, digérer, transformer celle de nos instincts, celle commandée par notre cerveau reptilien, c’est aussi reconnaître, accepter ses manifestations.
“Celui qui ne pète, ni ne rote finit par exploser” dit un proverbe arabe. Accueillir ce qui se passe en nous, dans nos mouvements corporels intérieurs, le jeu mouvant de nos sensations, c’est aussi accueillir les manifestations du vivant. Plus qu’accueillir, se mettre à l’écoute, faire de la place, donner du temps consciemment à notre nature animale, c’est la considérer. Cette manière de prendre en compte ce qui se passe dans le corps, amène à considérer ces manifestations comme un langage. Un langage, perceptif, immédiat et direct. Un langage certes proche du monde fusionnel, maternel qui rend difficile, voir souvent impossible, sa mise en mots.

Donner la parole au corps, laisser le corps et les sensations être nourris par la psyché et réciproquement…une vision écologique de la thérapie psychocorporelle.