Soigner la maladie, soigner le malade

Soigner la maladie, soigner le malade

soigner-maladie-soigner-maladeKlimt – Medicine (1907)

La cure renvoie à l’attente de la guérison, même si ce n’est pas une conséquence automatique. Et par guérison on entend habituellement revenir à l’état qui précédait la maladie.

Un temps l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, définissait la santé comme l’absence de maladie. Aujourd’hui, elle qualifie la santé en termes positifs, comme un état de complet bien-être physique, mental et social. C’est une définition vague, utopique, presque un impératif de poursuivre le bonheur, quand ça ne devient pas carrément une obsession de la santé parfaite. La santé est ainsi définie comme une plénitude, avec comme présupposé l’idée d’une vie sans antagonisme interne. Une vie où toutes les contradictions vont se résoudre.

Dans l’Antiquité, on considérait la santé comme un état d’harmonie (Krasis en grec), où le flux de la vie se déroule sans que nous le percevions parce qu’il est en nous. Nous y participons avec notre être. Guérir signifie alors dépasser l’entrave de la maladie afin de retourner à la vie connue avant la maladie.

De l’harmonie dans l’Antiquité à l’état du bien-être absolu de l’OMS. Deux perspectives différentes de la santé ! En médecine, la notion de “resitituzio ad integrum” d’un organe est encore largement utilisée pour définir la guérison. Toutefois, même dans ce champ nous voyons que la notion de santé s’est transformée en quelque chose qui concerne toujours moins l’individu pour devenir de plus en plus l’objectif d’un système administratif gouverné par la statistique des pathologies et la mesure des prestations. Sa gestion échappe toujours plus au pouvoir des médecins pour passer dans les mains de la bureaucratie. C’est la tendance qui s’impose progressivement dans la médecine contemporaine. La EBM, “Evidence Based Médecine”, représente bien cette propension à privilégier le savoir codifié par rapport à l’implication et aux décisions du médecin qui restent toutefois heureusement encore importantes.

De la même manière, dans la sphère de l’existence et des troubles psychologiques, nous pensons spontanément à la maladie comme à un obstacle objectif, quelque chose qui trouble la paix avec comme solution son élimination. Cependant une angoisse qui assombrit la vie, un naufrage dans la dépression, une douleur du corps ou de l’âme qui traduit quelque chose d’irrésolu dans l’existence, sont l’expression de ce qui avait été jusqu’à présent toujours silencieux. Nous avons à faire à quelque chose d’intrinsèque au sujet qui lui appartient depuis toujours, même si cela ne se manifeste que maintenant.

Il s’agit alors de guérir de la vie, de soi-même, de ce que l’on est. Ici sont en jeu les sphères de l’existence, dans leurs implications et dans les choix de vie qui en découlent. Des choix qui vont peser sur le sujet et son mode de vie. Ce sont par conséquent des choix difficiles, parce qu’il n’y a de choix qui ne comporte une perte, un renoncement.

La différence avec le domaine médical est évidente. Il ne s’agit pas de retourner à l’état initial. Avec les troubles psychologiques nous avons à faire à la singularité du sujet, ses carences et ses excès, son désir insatisfait, sa constitution profonde, quelque chose qui ne peut pas non plus être affrontée dans une perspective de suppression et/ou de retour à l’état initial.

Paul Rebillot, dans un entretien à Strasbourg il y a quelques années, disait que les dimensions traversées dans la maladie, comme la colère, l’ivresse, la peur, l’angoisse ou autres, sont subjectives. Comme telles, elles sont des ressources à disposition qui doivent trouver un lieu d’intégration constructive et de la part du sujet une façon de savoir faire avec. Ce ne sont donc pas des images à écarter, des émotions à supprimer ou des douleurs physiques à anesthésier, pour autant qu’il ne soit pas, parfois nécessaire de les alléger. Au contraire, le symptôme plus qu’un dysfonctionnement caractérise le fonctionnement du sujet. Un trouble psychologique est toujours une occasion de se confronter avec les racines de son désir, les figures constitutives intériorisées, qui influencent notre vie.

Nous sortons des critères de guérison de la médecine et de l’harmonie de l’Antiquité, à savoir le retour à l’état précédant la maladie.
Nous sortons aussi du critère de plénitude de l’OMS.

Dans le champ de la psyché, la relation avec le psychopraticien et son implication sont des éléments constitutifs du processus de “guérison” qu’entreprend le sujet qui consulte. La participation du sujet est au cœur de son parcours. Il est le seul à connaître ce qu’il désire, quand et comment mettre en acte les changements nécessaires. Il est le premier sujet du soin.