La vulnérabilité du thérapeute

La vulnérabilité du thérapeute

vulnerable

L’image du guérisseur blessé, ou qui est blessé, est une figure archétypale dans la mythologie que l’on retrouve dans les légendes et la littérature antique.

Dans le chamanisme, une des premières formes d’interaction thérapeutique, le parcours et la vocation du chamane prévoient une période de maladie et de retraite : “…chamane dont la vocation s’est imposée au terme d’un itinéraire personnel accumulant “bons rêves”, phobies alimentaires et maladies à répétition…” (Setuuma chamane indien “Je vais chez Rêve chercher la petite âme malade” par Michel Perrin).

L’image du guérisseur blessé est celle d’une personne qui, malgré ses imperfections, est en mesure de déclencher des processus de guérison. Les sentiments et les souvenirs douloureux émergent à la conscience comme composante du processus thérapeutique.

En tant que thérapeutes, l’expérience que nous faisons de la douleur émotionnelle dans notre vie, nous porte à accompagner dans l’ouverture du cœur avec le sentiment de partager avec le client la même condition existentielle. Ce sont des degrés de vulnérabilité dont nous faisons l’expérience, quand les structures défensives se dénouent et que nous sommes dans l’ouverture. Chacun de nous a des parties manquantes. Certaines sont plus profondes que d’autres et beaucoup sont inconscientes.

Qu’est-ce qui émerge lorsque l’on fait l’expérience de la dimension blessée et que nous nous ouvrons à cela ? Comment nous, en tant que thérapeutes, pouvons soutenir ou saboter le processus ?
Reconnaître nos blessures dans la pleine acceptation signifie faire en sorte qu’elles ne se retournent pas contre nous ou contre le client.
Je reconnais combien il m’est difficile d’accompagner le manque de forme, le vide et que la tendance serait de pousser le client à réagir. Cela peut paraître rassurant aussi bien pour le client que pour le thérapeute, mais comme le dit Alice Miller “Un thérapeute préoccupé de gratifier le client, et qui le nourrit en anticipant ce qu’il pourrait découvrir par lui-même, peut être comparé à l’ami qui offre de la nourriture au prisonnier juste quand il a la possibilité de fuir. Alors, le prisonnier renoncera facilement à la liberté trouvant du réconfort dans la nourriture. Cela se produit lorsque le thérapeute fait en sorte que l’analyse reste son territoire sûr et familier.”

L’expérience du non faire, si ce n’est qu’accepter et s’ouvrir à ce qui est, représente une part essentielle du processus de transformation. Pour le thérapeute, donner du soutien à l’informe et savoir aider le client à élaborer l’expérience est d’extrême importance.

Travaillant sur le plan psychocorporel, nous expérimentons à la première personne que les êtres humains peuvent se toucher l’un l’autre à des niveaux très profonds. L’authenticité de la rencontre fait que les énergies vont à double sens : nous bougeons et sommes mus. Ce qui nous fait bouger n’est pas toujours aisé à reconnaître et accueillir. Et si ce que je rencontre de moi me répugne comment faire pour prendre soin de quelque chose que je trouve répugnant ?

Le transfert et le contre-transfert, comme nos habitants de l’ombre seront toujours dans nos parages. Ce qui est intéressant c’est de découvrir les diverses formes neuves qu’ils prennent dans nos rencontres intimes avec les autres. Quelle richesse lorsque nous intégrons et utilisons notre patrimoine de façon créative !

Nous pouvons être certains que nos clients nous pousseront à être plus vivants et plus vrais à leur encontre !

Merci à eux, du fond du cœur.