La pratique du mouvement régénérateur thérapeutique

La pratique du mouvement régénérateur thérapeutique

Mouvement_regenerateur_therapeutique

Lorsque je l’ai rencontré à Paris, il y a maintenant plus de vingt ans, Maître Itsuo Tsuda était déjà un homme âgé. Mais, il avait encore une énergie, une vitalité extraordinaire. Sa présence était à la fois rassurante et enthousiasmante. Il avait étudié la récitation du théâtre Nô avec Maître Hosada, le Seitaï avec Maître Nogushi et l’Aïkido avec Maître Ueshiba. C’est lui qui a introduit en Europe et plus particulièrement en France, en Suisse et au Portugal le Seitaï, le Mouvement régénérateur et sa vision de l’énergie.

Nous avons tous des mouvements spontanés auxquels nous ne prêtons ni attention, ni crédit. Ce sont par exemple les bâillements, les tremblements, les éternuements, la toux, etc… Nous connaissons aussi les gestes saccadés, rythmiques, des autistes, des catatoniques ou des personnes âgées.

L’incontrôlé, la peur collective

De l’extérieur ces manifestations sont incomprises et écartées comme ne participant pas d’un corps « civilisé » car elles touchent en nous la limite du contrôle. L’incontrôlé est probablement aujourd’hui l’une des plus grandes peurs collectives. Or, ces manifestations existent potentiellement chez chacun de nous et si on les considère, elles ont une vertu transformante et apaisante. Dans la pratique du Mouvement, les manifestations incontrôlées, incohérentes, sont non seulement prises en compte mais recherchées.
Le Mouvement est une pratique, un art de vivre et une éthique de la relation. Il est fondé sur un « non-faire », une approche non volontariste de la réalité, « intellectuellement » insaisissable mais « pratiquement » réalisable.

À l’écoute d’un état vibratoire

La pratique du Mouvement s’inscrit dans la lignée du tao. C’est la recherche d’une relation plus étroite du corps et l’esprit à travers un « lâcher-prise » du mental. C’est une démarche informelle dans le sens où chez chacun, le mouvement est différent et varie constamment selon le moment. Cette pratique vise à se mettre à l’écoute d’un état vibratoire intérieur et à le laisser s’exprimer dans le corps. Cette rencontre énergétique « apaise » le mental et induit une relation avec quelque chose de plus sensible, de plus profond, de plus nécessairement vital.

Une vertu apaisante

La pratique du Mouvement conduit au-delà de la parole et des sons organisés, dans le lieu des origines désarticulées, premières du son. En tant que tel, le Mouvement ne se laisse jamais enfermer ni saisir par les concepts et les mots.
Fondamentalement la pratique du Mouvement recommande donc de suivre et d’accepter les expressions rythmiques incontrôlées qui agissent en rééquilibrant le corps sur le plan chimique, physique mais aussi sur le plan psychologique, affectif et mental, comme si cela nous permettait de passer d’un état chaotique à un état mieux ordonné de la conscience.
Ce qui est à la fois attirant et en même temps inquiétant pour quelqu’un qui commence c’est de ne pas avoir une définition précise, une représentation claire de la forme de son propre mouvement. La recherche est individuelle. A chacun de mener cette recherche en lui-même.

Le reflet du dressage

Vous pourriez penser en lisant cela que c’est quelque chose de simple et d’évident que vous faites déjà. Si c’est le cas soit vous avez déjà une très bonne conscience de vous-même, soit vous ignorez l’importance du conditionnement corporel. Le corps enregistre cellulairement, posturalement, presque structurellement, les effets de l’éducation et ses prolongements qui viennent des différentes formes de conditionnement.
Tous les effets collectifs et sociaux qui nous « dressent », en quelque sorte, à nous tenir d’une certaine façon et pas d’une autre pour pouvoir vivre en société, ne sont que des habitudes apprises. Avec le temps elles deviennent une seconde nature qui nous masque et nous fait perdre le souvenir de la première. Pour parvenir au ressenti du mouvement de la vie, du mouvement originel, il y a une traversée obligée du conditionnement, des choses apprises, pour nous rencontrer nous mêmes au-delà de nos habitudes mentales, affectives et posturales. En ce sens le corps, avec la conscience de sa mobilité et le développement de sa sensibilité, donne la mesure exacte de là où nous en sommes. « Le corps ne ment pas » disait Yvan Amar. Lorsqu’on l’écoute il nous parle de nous avec ses mots à lui, les sensations, les vibrations, les états intérieurs, les malaises, maladies…

Traverser le conditionnement

Le Mouvement n’est pas une théorie mais une pratique, une manière de rencontrer le mouvement essentiel, présent dans l’univers autour de nous et en nous, jusque dans nos cellules. Cette pratique permet de quitter le plan de la réalité existentielle pour entrer dans un voyage plus intérieur, plus méditatif et d’affiner ainsi la conscience corporelle. La rencontre se fait d’abord avec le plan du mental, le flux des pensées, ensuite avec le plan émotionnel et enfin, avec celui plus profond du corps et des sensations. Le voyage du mouvement nous amène à habiter petit à petit « notre propre maison » d’une façon active, non pas en réfléchissant à ce qui se passe à l’intérieur mais au contraire en coïncidant de plus en plus avec ce que nous sommes.

La chaine d’activation

Dans la pratique du Mouvement, une grande attention est donnée à la relation avec la « chaîne d’activation », qui est la première partie de la séance. Le principe en est simple : chercher ensemble l’énergie commune nécessaire à la pratique du Mouvement. La main gauche tournée vers le ciel, la droite vers la terre, on accueille dans sa main gauche la main droite d’une autre personne et bien-sûr on donne la sienne à une troisième. Chacun a les yeux fermés et cherche à s’habiter lui-même, tout en étant relié aux autres. C’est là le principe même, la base essentielle de la relation : être relié avec les autres et en même temps être présent à soi.

En équilibre entre l’intérieur et l’extérieur

Souvent, soit on se laisse prendre par la relation en s’oubliant soi même parce que l’on veut plaire à l’autre, que l’on est pris dans une émotion ou que l’on poursuit un but, même charitable etc., ou, au contraire, on est là, enfermé dans son monde intérieur sans tenir compte de l’autre. Il s’agit donc de trouver ce point d’équilibre entre les deux ; être à la fois présent à l’intérieur de soi et en même temps présent à l’extérieur. Personne ne vit ni ne fait la même chose, certains crient, bougent, d’autres pleurent ou ont des gestes ralentis, etc. il ne s’agit pas de répondre, de réagir à ce que font les autres mais de l’accueillir et de l’intégrer en restant relié à soi même.

Trouver son propre mouvement

Si par exemple un cri fait écho, on l’accueille parce qu’on est ensemble, qu’il fait partie de notre monde, mais on ne réagit pas à ce cri. Le mouvement c’est agir avec, pas réagir. Le principe, l’essentiel de la chaine est d’être là ensemble d’une façon juste pour soi. L’énergie commune du groupe n’appartient à personne et en même temps est à tout le monde. Dans le deuxième temps d’une séance de Mouvement, on se sépare des autres et chacun part à la recherche de son propre « Mouvement ».Quand les personnes commencent à pratiquer, il y a toute une phase où ils déchargent à travers des émotions, des pensées, le trop plein de leur existence. Cette phase peut durer longtemps, en fonction de la personne, de la quantité de stress, de souffrances, de stases accumulées dans sa manière de vivre et sa vie passée. Avec ces décharges, des images viennent, des associations d’idées, tout en baillant, en pleurant…C’est aussi un moyen pratique de dire « stop ! J’arrête, j’en ai assez de ces tensions, de ce trop plein »…et de récupérer, de retrouver de l’énergie. Lorsqu’il a introduit la Mouvement en France, Maitre Tsuda l’a qualifié de « régénérateur ».

La décharge

En redécouvrant un mouvement plus essentiel, nous redécouvrons en même temps notre capacité naturelle d’abandonner et d’alléger notre fardeau. Si c’est une charge affective, de pleurer ou de crier, si c’est une charge mentale, de quitter le monde obsessionnel de la pensée, si c’est une charge physique, de trembler, de vibrer, de bailler…
Mais un jour, à force de pratiquer, il y a un questionnement qui surgit : est-ce que ce mouvement que je fais en ce moment est mon Mouvement ou un mouvement appris, répété, un mouvement pour faire comme tout le monde ?

Se faire confiance

Et au fond, quel est mon propre mouvement ? Quand on commence à douter de cette façon, on se dit forcément « est ce que je ne suis pas en train de devenir fou ? ». Et quand on commence à accepter de se vivre « fou » en accueillant l’incontrôlé, on en a plus peur, on traverse l’idée de la folie. Au-delà de ces espaces chaotiques en nous-mêmes, il y a quelque chose de plus organisé, de plus stable. Progressivement, avec le temps, on découvre que l’on n’est pas figé, on se rend de plus en plus compte que tout ce qui est en nous change tout le temps, et la transformation s’opère. Intellectuellement, scientifiquement, nous le savons, mais avec la pratique du Mouvement, on le vit, on le ressent.
Consciemment branché sur son courant de vie, créer devient quelque chose de vital, d’évident, et même si l’on ne produit rien de concret, on s’aperçoit que notre propre mouvement est fondamentalement créateur.

Le mouvement créateur

Le mouvement est la participation à la vibration du monde sous toutes ses formes. Les arbres, les plantes, les animaux, la mer, tout ce qui nous entoure, tourne et est en mouvement. À ce moment là, la solidarité, la relation s’impose et devient évidente. La sensibilité à toutes choses augmente. Avec la pratique on sent se qui est bon et nous fait du bien. Egalement quand on mange de la « merde » on le sent et on va vomir. Notre corps réagit, il n’en veut plus. En ce sens la pratique du Mouvement n’est pas confortable.
Si le confort est d’être endormi, vivre enfermé dans une pièce cotonneuse, bien moelleuse, avec une température constante de 24°, en voyant toujours les mêmes personnes, en sortant, en mangeant et en se couchant toujours à la même heure, alors le Mouvement n’est pas confortable. Le Mouvement est la vie. Il y a du confort dans la vie, mais la vie n’est pas confortable.
Plus de proximité avec soi-même, plus de ressenti. Notre sensibilité grandit à l’intérieur comme à l’extérieur et, ainsi couper un arbre, n’est plus seulement une idée.
La pratique du Mouvement rend plus sensible au vivant, plus présent dans la relation, plus humain peut être…